L’idée d’ « être » implique, positivement la réalité, et restrictivement la manifestation ; nous disons « restrictivement » parce que la manifestation ou l’existence représente un moins ou une limitation par rapport au Principe, qui est l’Être pur. En signifiant la réalité, l’idée d’ « être » évoque ipso facto le « bien » et aussi le « plus », donc la qualité et la quantité ; mais elle évoque avant tout la « présence ». Quant à l’idée opposée de « néant », elle implique tout d’abord l’ « absence » d’être ou l’impossibilité, et plus relativement l’absence de choses déterminées ; elle implique également — par dérivation et par analogie — le phénomène du « moins » et, sous un autre rapport, celui du « mal ». Mais cette idée peut s’appliquer aussi, fort paradoxalement, à l’ordre transcendant ou principiel : est « néant », au point de vue du monde manifesté — donc au point de vue de l’existence au sens restrictif du terme —, tout ce qui transcende ce monde et par conséquent échappe à toutes les limitations existentielles1. (Frithjof Schuon, Avoir un centre)